Les fans de foot en mutation

Quelle fête ! Lorsque les chants de supporters, les pyros, les acclamations et les applaudissements se mêlent à la mer de drapeaux, ces scènes semblent pour beaucoup crues, violentes, indisciplinées et peu cultivées. Pour d’autres, c’est le summum des émotions et l’expression éruptive d’une culture de supporters très répandue mais peu connue.

 Les stades de Suisse présentent beaucoup de couleurs : des chorégraphies vénèrent certains joueurs, mettent en scène le fait d’être un supporter ou rappellent les matchs passés. Des chants de supporters résonnent dans les installations sportives plus ou moins remplies, des drapeaux sont brandis, des banderoles et des slogans ornent les virages. Mais comment en est-on arrivé là ? Un coup d’œil sur l’histoire de la culture des supporters suisses montre un changement frappant depuis les débuts.

Du costume du dimanche à la veste en jean

Le football a toujours attiré les foules. Au début du 20e siècle déjà, des matchs se déroulaient devant plusieurs dizaines de milliers de personnes. S’il était alors considéré comme prolétaire et ne faisant pas partie de la haute culture, cela a beaucoup changé au fil du temps. L’histoire des vêtements, des productions culturelles et des autres activités des supporters permet en outre de mettre en évidence l’évolution de la culture des supporters.

Jusque dans les années 1960, les images de matchs de football montrent une majorité d’hommes dans le public. Ceux-ci sont vêtus de manière correcte, avec un chapeau et un veston, et la plupart du temps, qu’il s’agisse d’ouvriers, d’employés ou de directeurs, ils revêtaient leur costume du dimanche pour assister à un match de football. On chantait peu, on scandait quelques « hop » et on encourageait parfois certains joueurs. Néanmoins, des jets de bouteilles et des débordements violents se produisaient aussi autrefois, comme on peut le lire dans les comptes rendus de matchs.

 L’influence de l’Angleterre s’est fait sentir à partir de la fin des années 1960. Les hooligans anglais sont alors arrivés sur le continent grâce aux matches internationaux. Leur propension à la violence, leur consommation d’alcool et leurs chants de supporters ont été adoptés, y compris dans les stades suisses. La tenue vestimentaire de nombreux supporters s’est également adaptée. Le hooligan casual est né. Celui-ci s’habillait avec des marques chères comme Lacoste, Sergio Tacchini ou Adidas, qui sont encore très appréciées des supporters aujourd’hui. Parallèlement, il y avait des porteurs de cagoules qui affichaient publiquement leur appartenance ou leur haine d’autres clubs sur des cagoules en jean avec des écussons. Aujourd’hui, on ne les observe plus que dans les grandes villes allemandes et ils ont pratiquement disparu en Suisse. Sur le plan culturel, les hooligans et les porteurs de cagoules n’avaient pas grand-chose à offrir. Les matchs de football n’ont attiré que peu de monde.

Ce qui était certainement nouveau, c’était l’apparition de ce que l’on appelle les doubles supports – des banderoles tendues entre deux poteaux – sur lesquels l’équipe était soutenue par des slogans ou des emblèmes. Les premiers chants sont également dus à l’influence anglaise.

Les ultras arrivent et apportent la culture

Au milieu des années 1990, ce ne sont pas seulement les matchs à la télévision qui sont devenus colorés, la couleur est également arrivée dans les stades. Les ultras, déjà actifs depuis longtemps en Italie et en Amérique du Sud, étaient désormais un modèle pour de nombreux supporters de football. Cela est également lié à la composition sociologique des virages de supporters : Des supporters italiens, sud-américains et même ex-yougoslaves les ont marqués. Ils connaissaient la culture ultra de leur pays d’origine ou de leurs parents. Ce qui était nouveau, c’est que les chants des supporters étaient entonnés indépendamment du déroulement du match, que ceux-ci étaient polystrophiques et plus mélodieux. Des chansons issues de la culture populaire ont été reprises et adaptées. Les équipes ont également été soutenues par la pyrotechnie, principalement des fumigènes et des torches. Longtemps admirés et célébrés par les médias, ils n’ont été diffamés et davantage criminalisés qu’à l’approche de l’Euro 2008 en Suisse.